Responsabilité des administrateurs dans le cadre commercial sociétaire

La Loi 31/2014 du 3 décembre, qui modifie la Loi de Sociétés de Capital dans le but d’améliorer le gouvernement corporatif, introduit une série de modifications en matière de responsabilité des administrateurs.

Nous profitons de l’occasion du changement normatif, pour réaliser un bref examen des principes qui inspirent le régime des responsabilités en considérant les nouveautés introduites par cette norme.

Les administrateurs peuvent encourir une responsabilité dans les cas où, par ses actions ou omissions, des dommages soient causés à la société, à ses actionnaires ou à de tierces personnes (responsabilité subjective pour faute ou dol dans sa conduite).

Mais ceux-ci peuvent aussi être tenus responsables, sans avoir besoin de prouver sa faute ou dol dans leur agissement, en cas d’inaccomplissement de certains devoirs établis par la loi au sujet de la dissolution de la société dans certaines circonstances (responsabilité objective).

Responsabilité subjective pour faute ou dol

Cette responsabilité est exigible pour les dommages causés à la société, qui à ce moment-là était administrée par les administrateurs en question, aux actionnaires ou aux créanciers par des actions ou des omissions illicites, c’est-à-dire, contraires à la loi, aux statuts ou aux devoirs légaux inhérents à la fonction d’administrateur.

Responsables.

Quant à la responsabilité subjective, première chose que nous voulons souligner est que cette responsabilité est exigible non seulement aux administrateurs dûment nommés mais aussi aux :

  • · Administrateurs de fait (ceux qui apparaissent, encore sans titre, comme administrateurs, et qui exercent telles fonctions dans le cadre des transactions juridiques);
  • · Les personnes qui, sans être des administrateurs, ont des pouvoirs attribués par la plus haute direction de la société; et
  • · Les personnes physiques qui ont été nommées représentantes d’un administrateur personne morale, qui seront responsables solidairement de la personne morale qui détient la condition d’administrateur.

Solidarité.

Cette responsabilité est solidaire pour tous, à moins qu’ils ne prouvent ne pas connaître l’acte ou l’omission préjudiciable ou dans le cas de la connaitre, faire ce qui est nécessaire pour éviter les dommages causés.

Non exonération.

La seconde idée principale que nous voulons mettre en exergue est que la couverture de l’acte ou l’omission préjudiciable, par autorisation ou ratification de l’assemblée générale de la société, n’exonère pas de responsabilité.

Causes déterminantes de responsabilité.

Comme nous avancions, les actes ou omissions doivent être illégaux, contraires à la loi, aux statuts, laissant présumer la culpabilité, ou impliquant le manquement dolosif ou coupable aux devoirs inhérents à l’exercice de la fonction d’administrateur.

Nous mettrons l’accent sur ces derniers, en soulignant que la nouvelle norme établit une réglementation plus exigeante et casuistique que la précédente, détaillant les obligations découlant du devoir de loyauté qui doit régir l’ agissement de l’administrateur, avec une considération très spéciale à la réglementation des situations de conflit entre l’intérêt – d’une activité salariée ou non salariée- de l’administrateur et l’intérêt social.

Il faut souligner que la réglementation donne un caractère impératif aux dispositions dans cette matière et étend l’analyse du conflit d’intérêts aux personnes en relation avec l’administrateur.

Entre les conduites reprochables sont inclues : l’utilisation du nom social, d’information confidentielle ou des actifs de la société dans des opérations négociables propres, le développement d’activités concurrentielles avec la société elle-même ou la réalisation de transactions avec la société (sauf opérations ordinaires de cette dernière et avec peu d’importance).

Et il est prévu un régime de dispense de telles interdictions qui devra être admis par accord spécial de l’assemblée générale de la société, selon la nature de la matière faisant l’objet de la dispense, à l’égard duquel l’administrateur qui soit également actionnaire ne pourra exercer le droit de vote lors de son adoption. L’accord spécial peut être pris par l’organe d’administration également, avec un devoir d’abstention identique pour l’administrateur. La dispense fait l’objet de limitations et ne pourra être accordée en cas de dommages potentiels à la société.

Extension d’une telle responsabilité.

Les responsables feront face aux dommages causés par de tels actes ou omissions et seront obligés non seulement à dédommager les dommages causés mais aussi à restituer à la société l’enrichissement obtenu injustement, le cas échéant, par l’administrateur manquant à ses obligations.

Légitimation pour l’exercice de l’action de responsabilité.

La loi distingue entre l’action sociale de responsabilité visant à la réparation des dommages causés à la société et à sa restitution patrimoniale, et l’action individuelle qui correspond aux associés et aux tiers pour les conduites qui portent atteinte directement à leurs intérêts.

Quant à l’action sociale pour conduites contraires à la loi ou aux statuts sociaux son exercice correspond à la société-même, attribuant légitimation subsidiaire aux associés ou aux créanciers sociaux dans certains cas.

Dans le cas où l’action de responsabilité est fondée sur l’infraction du devoir de loyauté, l’action pourra être entamée par la société même ou les associés titulaires de 5% du capital social, de manière directe et non subsidiaire.

Quant à l’action individuelle, les lésés pourront l’entamer.

Prescription.

Face au critère de prescription fixé par le Code du Commerce, la modification de la Loi des Sociétés de Capital établit que les actions de responsabilité prescrivent au bout de quatre ans à partir du moment où elles ont pu s’exercer.

Responsabilité objective.

La Loi des Sociétés de Capital réglemente, en outre, le cas de responsabilité objective des administrateurs, sans besoin de culpabilité ou dol dans sa conduite, du simple inaccomplissement des devoirs que leur impose l’article 367 de la Loi des Sociétés de Capital en cas de survenance de cause de dissolution de la Société.

Ainsi, les administrateurs, dans un délai de deux mois à compter depuis qu’ils aient connaissance ou certitude de la cause de dissolution, doivent, selon la cause, convoquer l’assemblée générale pour que soit adopté l’accord de dissolution de la société et dans le cas de ne pas avoir lieu dans un certain délai ou si l’accord a été contraire à la dissolution, demander sa dissolution judiciaire ou, s’il convenait, la liquidation de la société.

Une telle responsabilité s’étend aux dettes sociales postérieures à la survenance de la cause de dissolution. Cette responsabilité est solidaire des administrateurs entre eux et avec la Société même. Nous devons ajouter que les obligations sociales seront présumées en date postérieure à la survenance d’une telle cause légale de dissolution de la société, à moins que les administrateurs prouvent que la date est antérieure.

De tout ce qui précède il s’avère inéluctable de rappeler la diligence et le zèle qui doit présider la conduite des administrateurs et des plus hauts dirigeants des sociétés de capital, dans leur gestion et le besoin de connaitre toutes les facettes de son action avec une assistance juridique adéquate.